Bonnes nouvelles de Paris
Il faut le dire ici, une jeune garde est en action ! Et croyez-moi, ça fait beaucoup de bien. Surtout que, respectueux de leurs aînés à qui ils doivent beaucoup, cette bande de musiciens malicieusement doués a la bonne idée de ne pas jeter le pépé avec l'eau du bain ! Au contraire, ils savent qu'on ne peut écrire le futur qu'en ayant le passé bien présent dans son patrimoine.
Manque de chance pour vous, je sens que je vais vous donner l'impression de radoter, parce qu'après avoir consacré deux notes au clarinettiste (et beaucoup plus que ça) Sylvain Rifflet, celui-ci va cette fois encore figurer en bonne place dans mon histoire (ou mes nouvelles, devrais-je dire). Mais moins directement, je vous l'accorde parce que pour cette occasion, il est l'un des protagonistes, parmi quelques autres bouilleurs de cru de la distillation d'une musique des plus réjouissantes.
Après avoir écouté Alphabet (dont on lira avec profit la chronique écrite par le camarade Barriaux pour Citizen Jazz), je me rappelle m'être posé la question suivante au sujet du travail de Rifflet : « Jamais deux sans trois ? » en m'apercevant que le clarinettiste avait œuvré deux fois de belle manière en un laps de temps très court. Eh oui ! Car n'oublions pas les Beaux-Arts qu'il venait tout juste d'exposer, dans l'acuité nerveuse d'une exploration mettant en scène un trio éclectique et un quatuor à cordes. Et dont une fois encore vous lirez avec bonheur la chronique du même Franpi pour le même Citizen Jazz.
Certes, si les Paris Short Stories (Saison 1) mises en scène par le flûtiste Joce Mienniel (ci-devant membre de l'ONJ sous la direction de Daniel Yvinec) ne constituent pas le troisième acte que j'appelle de mes vœux (il viendra, c'est certain), voilà un disque ingénieux et débordant de bonnes idées, qu'on peut présenter comme un parfait cousin dans l'intention inventive. Rien d'étonnant parce Mienniel et Rifflet, c'est une association qui fonctionne plus que bien. Tous deux ont enregistré L'encodeur, sorte de disque laboratoire où les deux musiciens conjuguent leurs souffles en les mêlant à l'électronique. Ils redonnent, mine de rien, toutes leurs lettres de noblesse à une intrigante ambient music et laissent entrevoir un nombre presque illimité de pistes pour l'avenir. Précisons aussi – mais vous vous en souveniez, n'est-ce pas ? – que Joce Mienniel est l'une des quatre composantes de l'Alphabet de Sylvain Rifflet. Voilà pour les présentations, s'ils veulent compléter, ils savent que cette porte leur est grande ouverte.
Revenons à nos moutons, je sens venir les digressions… Avec Joce Mienniel, il serait plus judicieux d'affirmer : jamais trois sans trois, ou plutôt, jamais trois sans trois fois trois ! Vous me suivez ? C'est simple : là où Sylvain Rifflet se montrait jongleur de lettres avec son Alphabet et sa fabrique à sons, Joce Mienniel s'attaque plutôt à une défi mathématique revigorant, une combinatoire née de la stimulation des éléments qui la composent. Il n'est pas donné à tout le monde de faire du neuf avec des trois. Plus fort encore, le flûtiste de l'arithmétique parvient à résoudre une sacrée équation dont les termes seraient 3 X 3 = 12. C'est, je crois, le principe même de la synergie. Un peu perdus ? Alors je veux bien tenter de vous expliquer.
Pour mener à bien son expérience, Joce Mienniel a mis sur pieds trois trios inédits, composés de musiciens aux personnalités fortes et bien différenciées, avec chacun desquels il interprète trois compositions. Et comme fil conducteur reliant ces trois unités mobiles, il choisit en guise de bonus une composition tirée du premier album de Soft Machine, « Box 25 4 Lid », dont les trios donnent leur fugitive (entre 30 et 40 secondes) interprétation tour à tour. Voilà pour le sens à donner à la drôle d'équation dont il était question un peu plus haut. Mais, avouons-le, l'essentiel n'est pas là.
L'idée la plus séduisante de Paris Short Stories (Saison 1), c'est le parti pris de créer des couleurs distinctes qui éclosent de la combinaison variable des instruments d'une formation à l'autre, avant de les imbriquer par leur alternance sur le disque. Flûte, trompette (Aymeric Avice) et clarinette (Sylvain Rifflet) ; flûte, Fender Rhodes (Vincent Lafont) et Orgue Hammond (Antonin Rayon) ; flûte, piano préparé (Ève Risser) et guitare (Philippe Gordiani). Le tout rehaussé de "traitements" assurés par chaque musicien, histoire de modifier encore les teintes ainsi créées et de s'ouvrir des horizons supplémentaires. On notera en passant que tout ce petit monde est au cœur de la marmite qui bouillonne du côté de par ici, au rayon du jazz et des musiques d'aujourd'hui : on ne compte ici que de fringants artificiers, qu'ils soient dans l'action de l'ONJ, de Radiation 10 ou du réseau iMuzzic, par exemple. Du lourd, pour parler trivialement.
Et les voilà qui, en plus et reconnaissons-le pour notre plus grand plaisir, nous font le coup du palimpseste ! Ici, on puise dans l'existant, on gratte, on efface et on recommence le tableau. On reconnaît facilement l'original (à condition de le connaître, c'est évident), mais celui-ci se voit fièrement bouleversé sous l'effet des flèches décochées en toute impunité par ces jeunes qui, décidément, ne respectent plus rien, c'est bien connu ! Ou plutôt qui témoignent du vrai respect : celui qui consiste à ne pas parodier, mais à traduire dans son propre langage en conservant intact l'esprit originel. Et les sources sont variées ! Michel Portal par deux fois (dont l'obsédant « Mozambic »), tout comme Björk. Mais aussi Frank Zappa, Joni Mitchell, Lenny Tristano et… Sébastien Texier, dans une composition qui nous renvoie au somptueux Sonjal Septet d'Henri Texier (quelle bonne idée !).
Paris Short Stories est un disque ludique. Un peu comme ces jeux d'enfants avec leurs pièces de toutes les couleurs, qu'on assemble au gré de son imagination pour inventer de nouveaux objets compagnons. Car même si l'idée d'un plaisir commun pris par les musiciens dans l'élaboration de leurs formes sonores semble être un minimum requis, un préalable à toute initiative créative, on reste un peu bouche bée devant cette accumulation de petits bonheurs singuliers qui, assemblés avec beaucoup de grâce, constituent la matière première, étonnamment mouvante, de ces "nouvelles de Paris".
Paris Short Stories (Saison 1), voilà bien un de ces disques comme on les aime. La surprise vous guette dans le moindre de ses recoins ; à peine celle-ci dévoilée, une autre est en préparation, mitonnée avec gourmandise par ces trois brigades de cuisiniers imaginatifs (je m'autorise cette incursion dans la sphère culinaire après avoir lu le texte expliquant sur la pochette du disque la recette de ces plats décidément savoureux) qui vont nous réserver, je n'ai aucun doute à ce sujet, encore bien d'autres objets de découverte.
Saison 2 attendue, qu'on se le dise ! En attendant, si j'étais vous - ce que je ne vous souhaite pas, ayant beaucoup de mal à être moi-même – je me jetterais sur ce disque qu'on peut commander directement auprès de Joce Mienniel sur son bébé label Drugstore Malone. Tope là ?
Il y a un cas Plaistow, ou plutôt une énigme. Qui donc sont ces trois Helvètes qui, en très peu de temps - tout juste cinq ans - ont érigé une construction musicale dont les contours sont si difficiles à cerner ? On pense à des aventuriers, parce que ces musiciens savent prendre des risques, notamment celui de nous perdre avec eux dans leurs explorations un brin angoissantes. Exégètes du classique trio piano - basse - batterie, amoureux de Bill Evans ou Keith Jarrett, soyez prévenus : vous ne trouverez pas satisfaction à l’écoute de ce vertigineux Lacrimosa et ses deux longues pièces dont il n’est pas aisé de sortir indemne.
Pour une fois, on ne pourra pas dire qu’une biographie arrive trop tard, après la disparition d’un musicien dont on aurait aimé que le talent soit célébré de son vivant. Cette biographie de Yochk’o Seffer, signée Jean-Jacques Leca et publiée chez
Un livre de plus consacré au plus grand guitariste du XXe siècle ? Depuis quarante ans, les nombreuses œuvres consacrées au Voodoo Chile nous ont déjà beaucoup appris sur celui qui se présentait volontiers comme un extraterrestre et, de son propre aveu, n’était lui-même que sur scène.
Le parcours du saxophoniste
Electro Deluxe
Coup de cœur ! Il y a chez
Le changement c’est maintenant. Oui, certes... mais j'aimerais consacrer cette note à un disque – et ce faisant à un artiste de premier plan – récemment publié, dont le flux musical a circulé instantanément dans mes veines, bien mieux que n’a pu le faire mon propre sang malgré le soutien depuis bientôt trente-trois ans d'une colonie de comprimés aux vertus anticoagulantes (11.949 à ce jour, desquels il faut toutefois retrancher quelques rarissimes oubliés matinaux. Pensez à fêter mes 12.000 cachets, ce sera le vendredi 18 mai. Fin de la parenthèse).
Les Toulousains de 
Voilà près de vingt ans que l’association
Publié en 2011, le deuxième disque du trio
L’exercice est plutôt risqué ! Rendre hommage à Miles Davis, c’est d’une certaine façon tenter de gravir un sommet de haute altitude sans oxygène et se voir contraint de renoncer tant la tâche peut sembler insurmontable.
Quand un beau duo se fait la belle ! Voici un disque – un petit objet de collection par ailleurs – qui vient décocher ses flèches irisées avec une intelligence qui n’a d’égale que l’excitation que son écoute suscite.
Voilà pas mal de temps maintenant que Citizen Jazz s’intéresse au vibraphoniste
Voilà un disque en tous points réjouissant ! L’hommage que rendent la chanteuse
Pour un temps échappé du trio qu’il forme avec Gianluca Renzi et Leon Parker,
Au départ, j’avais envisagé un texte d’énervement. Normal, quand on vit à peu près connecté au monde qui nous entoure et qu’on assiste au triste spectacle de la politique et aux agitations d’une clique plus encline à préserver ses privilèges qu’à se pencher sur l’épineuse question du bien commun et d’une nécessaire solidarité. Ce matin encore, j’entendais un vieux cheval de retour, sorti de l’obscurité dont il aurait mieux fait de ne pas s’extraire, appeler de ses vœux la formation en France d’un gouvernement technique dès le début du mois de janvier. Ah, le gouvernement technique : la nouvelle sucette dont nos chers et néanmoins incapables dirigeants viennent de s’emparer et qu’ils tètent goulûment. Son goût sucré semble garantir le bonheur, notre bonheur, pour les temps à venir et les dispenser de réfléchir. Ils avouent de fait leur propre mise hors jeu, oubliant toutefois d’exclure de leur proposition le coût exagéré de leur rétribution. Le bougre y allait même de ses suggestions ad hominem pour remplacer l’actuel politicien glissé dans le costume du premier ministre : Michel Camdessus, Pascal Lamy ou Jean-Claude Trichet. Un technicien vous dis-je !!! Pas un élu, non, un type qui s’y connaît en rouages de l’économie (et comme on le voit, ces braves gens susnommés ont parfaitement réussi jusqu’à présent). J’avais la désagréable impression que mon vieux bourrin des urnes, sachant la cause de son camp un peu perdue, nous suggérait même entre les lignes qu’une élection n’était peut-être même pas la solution idoine en ces temps de forte rigueur. Une élection ? Pour quoi faire ? Laisser le peuple donner son avis ? Allons donc !
Voilà un album qui mérite beaucoup mieux que la confidentialité à laquelle son statut de disque autoproduit semble le destiner. Those Were The Days est en effet un recueil intimiste et chaleureux de ballades aux mélodies subtiles, souvent mid tempo, qui reflètent au plus près la personnalité de
Il est des disques qui s’imposent. On sait tout de suite qu’on vient de découvrir une pépite qui va nous tenir compagnie un bon bout de temps. Ils affirment leur personnalité, et on ne saurait dire si leur qualité première est d’exprimer un esprit collectif puissant ou de transmuer l’amalgame d’individualités en ensemble soudé. Ils traduisent, avec toute l’élégance de leur énergie créative, le travail d’un toutinventif, constamment sur la brèche, qui déploie des couleurs en perpétuel renouvellement au fil d’une exploration passionnante. Une aventure bariolée, qui ne laisse jamais l’auditeur au bord de la route.